La vaccination : comment ça marche ? Est-ce que c’est mieux que la maladie ? Y a-t-il un risque de surstimulation du système immunitaire ? Qu’en est-il des adjuvants ?La vaccination est un outil de prévention majeur, dont les bénéfices sont largement prouvés et dont les effets indésirables les plus souvent rencontrés, tels que fièvre, douleurs, rougeur au point d’injection, sont attendus et témoignent du bon déclenchement de la réponse immunitaire.
Pourtant, elle suscite toujours de nombreuses interrogations. Comment ça marche ? Quelle est la protection apportée ? À quoi servent les adjuvants ? Pourquoi les recommandations évoluent-elles ? Y a-t-il un risque de surstimulation de l’immunité ? Les réponses du Dr Hervé Haas, pédiatre infectiologue.
Au-delà des nombreuses interrogations qui se sont posées à propos des nouveaux vaccins à ARNm, la Covid-19 a aussi ravivé celles portant sur la vaccination en général.
Les vaccins déclenchent-ils la même immunité que les infections ?
Dr Hervé HAAS. Les infections confèrent la meilleure immunité possible, mais au prix de la maladie qui peut avoir des complications. C’est ce qui a justement conduit à proposer la vaccination, afin d’apporter une protection sans passer par la case infection.
Rappelons que la vaccination vise à stimuler l’immunité selon deux axes.
Le premier, l’immunité humorale, est la production d’anticorps, de survenue assez rapide et facilement appréciable au moyen de dosages sanguins.
Le deuxième, qui correspond à l’immunité cellulaire, est à l’origine de la mémoire immunitaire qui va permettre de protéger l’individu durant toute sa vie ou durant une période longue. Elle peut être relancée par des injections de rappel. En l’absence de marqueurs facilement accessibles, elle est plus complexe à évaluer.
La protection apportée est-elle la même avec tous les types de vaccins ?
Les vaccins vivants, notamment viraux, déclenchent une immunité de très bonne qualité, qui perdure toute la vie, car les conditions sont les plus proches de l’infection par le virus sauvage. De ce fait, ils exposent au risque de survenue des symptômes de la maladie a minima et sont pour cette raison contre-indiqués chez certaines personnes, comme les patients immunodéprimés et les femmes enceintes.
Un très bon exemple est apporté par le vaccin contre le rotavirus (cf. notre article du 19 juillet 2022), dont l’une des complications potentielles est la survenue d’une invagination intestinale aiguë (IIA) dans les 3 à 7 jours suivant la première dose.
Il s’agit d’une complication rare, mais dont l’incidence (1/100 000) est bien moindre que le risque d’IIA lors d’une infection à rotavirus. Une étude menée en Grande-Bretagne a ainsi montré qu’une bonne couverture vaccinale est associée à une baisse globale des IIA chez les enfants de moins de 3 ans. Le léger surrisque dans les jours qui suivent la vaccination doit bien sûr faire l’objet d’une information des parents afin de ne pas retarder la prise en charge en cas de symptômes évocateurs. Il faut aussi noter que la bonne couverture vaccinale est également associée à une réduction du risque de convulsions.
Qu’en est-il des vaccins non vivants ?
Avec les vaccins non vivants, constitués de fragments protéiques ou de polyosides parfois conjugués à une protéine, la persistance de l’immunité est logiquement moindre.
C’est par exemple le cas du vaccin contre le tétanos, pour lequel des rappels sont nécessaires tout au long de la vie adulte. Chez les personnes ayant eu une primo-vaccination de qualité, un rappel de tétanos tous les vingt ans est aujourd’hui préconisé. Ne pas faire les rappels expose au risque de contracter le tétanos par contact avec Clostridium tetani au niveau d’une plaie.
Quels vaccins peuvent être administrés après une exposition à risque ?
La vaccination postexposition [1] est possible lorsque le délai d’incubation de la maladie le permet.
L’exemple historique est celui de la rage. Mais la vaccination postexposition peut être parfois proposée pour éviter d’autres pathologies. C’est le cas de la varicelle, dont le délai d’incubation est d’environ 14 jours et qui se caractérise par deux phases de virémie. La vaccination au cours de la première phase de virémie (dans les 3 à 5 jours après le contact) induit une montée d’anticorps qui peut permettre d’éviter la deuxième phase de virémie et la maladie chez des sujets contact à risque de forme grave.
Une stratégie vaccinale postexposition peut aussi être proposée pour la rougeole ou les oreillons.
Des schémas accélérés de vaccination sont possibles ?
Il est possible de vacciner selon un protocole accéléré certaines personnes notamment contre l’hépatite B, l’encéphalite à tiques ou encore l’encéphalite japonaise, en particulier dans le cadre d’un voyage urgent.
Mais attention, ces schémas courts permettent d’induire une immunité humorale, mais pas une immunité cellulaire, et des rappels seront donc nécessaires.
Le calendrier vaccinal change régulièrement. Pourquoi ?
Le calendrier vaccinal s’appuie sur la synthèse des connaissances à un moment donné et de ce fait il évolue régulièrement, notamment en fonction de l’expérience acquise avec chaque vaccin et de l’évolution épidémiologique.
Si l’on prend l’exemple du vaccin pneumococcique, il ne protégeait dans sa version initiale que contre 7 sérotypes, avant d’évoluer vers une forme à 13 valences lors de l’apparition d’autres sérotypes, comme le 19F. Les adaptations à l’évolution épidémiologique des infections sévères à pneumocoque, connue grâce aux outils de surveillance mis en place, vont se poursuivre vers des vaccins à 15 puis 20 valences.
Autre exemple, celui du vaccin contre les infections à papillomavirus humain, dont les modalités ont évolué non pas en raison de changements épidémiologiques, mais du fait de la meilleure connaissance de la durée de protection conférée et de l’âge idéal pour la vaccination.
Quelles sont les principales évolutions du calendrier vaccinal 2022 ?
Parmi les évolutions [2], on peu citer :
la vaccination contre la coqueluche (cf. notre article du 14 avril 2022) désormais recommandé chez la femme enceinte à partir du 2e trimestre de la grossesse afin d’assurer une protection optimale du nouveau-né,
et la vaccination contre les infections invasives à méningocoques de sérogroupe B chez l’ensemble des nourrissons [3] selon un schéma en 3 doses (première dose à 3 mois, deuxième dose à 5 mois et rappel à 12 mois). Ce vaccin ne fait pas partie de la liste des vaccins obligatoires, mais il est largement justifié par la gravité et la fréquence des infections invasives à méningocoques B et par l’absence d’alternative préventive chez les nourrissons qui sont particulièrement à risque.
Les parents sont parfois inquiets de la multiplicité des vaccins chez leurs enfants ? Ils craignent un excès de stimulation immunitaire. Que leur dire ?
À la naissance, le nouveau-né, auparavant stérile, est exposé à un très grand nombre de bactéries qui colonisent sa peau, son tube digestif, etc. Chacune constitue une stimulation antigénique et l’enfant est donc soumis d’emblée à un océan de stimulations antigéniques. Le fait de rajouter 10 ou 15 vaccins ne représente qu’une goutte d’eau dans la mer.
Autre inquiétude des parents : le nombre élevé de piqûres et donc du risque de douleurs pour le nourrisson. Certes, toute injection peut provoquer une douleur, mais elle reste cependant très modérée et ne dure que quelques secondes. En général, l’enfant pleure pendant une minute avant de se calmer. Ce qui n’est rien comparativement à la douleur provoquée par une maladie non prévenue par la vaccination, comme une pneumonie ou une méningite.
Beaucoup de questions portent aussi sur les adjuvants. Qu'en est-il ?
Les adjuvants sont très importants dans les vaccins non vivants, où la charge antigénique est modérée. Si l’on injecte seulement la fraction protéique du vaccin dans le muscle, l’antigène ne va pas être repéré d’emblée. C’est l’adjuvant, aluminium ou complexe huile dans l’eau notamment, qui est repéré en premier par les cellules de l’immunité, telles que les macrophages, ce qui déclenche la cascade de la réponse immunitaire. Et c’est lorsqu’elles sont au site de l’injection que les cellules de l’immunité repèrent l’antigène vaccinal et induisent une réponse ciblée.
L’aluminium est utilisé comme adjuvant depuis plus de quatre-vingt-dix ans et n’est pas responsable du déclenchement de maladies de type auto-immun, comme cela a été confirmé par de nombreux travaux.
En revanche, l’aluminium reste un certain temps au site de l’injection, ce qui souligne l’importance de bien piquer en intramusculaire et non pas en sous-cutané. En effet, au niveau sous-cutané, il peut persister et conduire à une réaction locale importante, voire à la formation d’un granulome.
Pourquoi est-ce si compliqué de développer des vaccins par voie nasale ?
Utiliser la voie nasale pour administrer des vaccins contre des maladies à transmission aérienne serait idéal. Mais il est difficile techniquement de stimuler l’immunité au niveau nasal, où prédominent les immunoglobulines A. Il y a un risque de neutralisation de ces anticorps du fait de contacts antérieurs avec des virus cousins. C’est ce qui se passe avec le vaccin antigrippal par voie nasale chez les adultes, vite neutralisé par les anticorps développés à l’occasion de contact avec des virus grippaux antérieurs.
Comment bien injecter en pratique ?
Les injections doivent être faites préférentiellement en intramusculaire, sans purger l’aiguille, car l’air dans la seringue permet justement de bien vider complètement le vaccin dans le muscle et d’éviter le dépôt de vaccin et donc d’adjuvant sur le trajet.
Le site d’injection varie en fonction de l’âge. Chez les nourrissons de moins d’un an, qui ne marchent pas, les injections sont réalisées sur la face antéro-latérale de la cuisse, muscle le plus développé du corps à cet âge. Après un an, les autres muscles se sont développés et l’on peut administrer les vaccins par exemple au niveau du deltoïde, zone la moins douloureuse.
Chez les enfants, il ne faut jamais piquer dans la fesse et ce pour plusieurs raisons : le faible développement du muscle fessier, le risque de surinfection lié au port de couches et le risque d’atteinte du nerf sciatique via un œdème lié à une réaction inflammatoire locale.
On parle actuellement de dette immunitaire, de quoi s’agit-il ?
Le fait de ne plus avoir été exposés aux virus et aux bactéries grâce au port du masque et au recours aux solutions hydroalcooliques durant l’épidémie de Covid-19 a réduit la circulation du SARS-CoV-2, ce qui était l’objectif, mais a eu aussi un impact sur les autres agents infectieux. On a ainsi vu disparaître les infections invasives à pneumocoques et à méningocoques, tout comme les infections virales, à VRS notamment.
Et désormais, il existe un double phénomène : une recrudescence des infections invasives à méningocoques et à pneumocoques, d’autant plus que beaucoup d’enfants n’ont pas été vaccinés à la suite des différentes périodes de confinement, et également des pathologies virales comme les bronchiolites.
Avec un impact majeur sur les nourrissons, mais aussi chez les sujets âgés, la contamination des tout-petits contribuant à la circulation virale dans l’ensemble de la population.
La nature a horreur du vide, ceci est particulièrement vrai en infectiologie. C'est pourquoi il faut donc absolument utiliser les outils de prévention à notre disposition.
D’après un entretien avec le Dr Hervé Haas, pédiatre infectiologue, chef du service de Pédiatrie, Centre hospitalier Princesse Grace, Monaco.
Cet article d'actualité rédigé par un auteur scientifique reflète l'état des connaissances sur le sujet traité à la date de sa publication. Il ne s'agit pas d'une page encyclopédique régulièrement remise à jour. L'évolution ultérieure des connaissances scientifiques peut le rendre en tout ou partie caduc.
Pour en savoir plus :[1]
Guide pour l’immunisation en post-exposition : vaccination et immunoglobulines. Haut Conseil de la santé publique, janvier 2016.
[2]
Le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2022. Ministère de la Santé et de la Prévention, mis à jour juin 2022.
[3]
La vaccination des nourrissons contre les infections invasives à méningocoques de type B. Questions-réponses pour les professionnels de santé. Ministère de la Santé et de la Prévention, avril 2022.
Sources : Vidal France