Lecture, écriture, calcul : pourquoi le niveau baisse ?
PARIS — Lecture hésitante, orthographe malmenée, calcul approximatif: le niveau baisse du fait de la diminution du temps scolaire et des horaires alloués à ces matières, de nouvelles disciplines, la transformation des pédagogies et une formation des enseignants pas toujours adaptée, selon des experts interrogés par l'AFP.
La maîtrise de ces matières est fondamentale pour la réussite des élèves dans la poursuite de leurs études, et au-delà pour leur insertion professionnelle. C'est ainsi que le ministre Vincent Peillon explique la priorité accordée au primaire dans la "refondation" de l'école, portée dans le projet de loi actuellement en débat à l'Assemblée nationale.
Il s'agit de développer l'accueil des tout-petits, recréer des postes d'enseignants, rétablir une formation initiale et spécifique, réformer les rythmes scolaires pour alléger des journées de classe surchargées. Les villes doivent décider avant le 31 mars si elles adoptent le retour à la semaine de 4,5 jours dès 2013 ou si elles attendent 2014.
Selon le bilan 2007 du Haut conseil à l'éducation, à l'entrée au collège, 15% des élèves connaissent déjà des difficultés sévères ou très sévères et 25% ont des acquis fragiles.
Les fameuses enquêtes Pisa de l'OCDE, qui évaluent les jeunes de 15 ans, c'est-à-dire quasiment à la fin de la scolarité obligatoire, enfoncent le clou: la France recule. Et les inégalités se sont accrues entre 2000 --première édition de l'enquête-- et 2009, avec davantage d'élèves faibles en lecture et mathématiques.
En revanche, le système français fonctionne pour l'élite puisque le pourcentage des plus performants a augmenté en lecture, et qu'il est resté sensiblement identique en mathématiques.
Pour l'historien Antoine Prost, "il faut non seulement travailler davantage mais mieux", précisant que "cinq journées de cinq heures de cours seraient le plus efficace".
"Entre 1960 et aujourd'hui, on a perdu une heure de travail d'élève sur cinq. C'est comme si on avait obligé tous les élèves à sauter une classe", note-t-il.
L'orthographe, un totem français
Le temps alloué à l'enseignement du français a aussi fortement baissé, relève l'historien Claude Lelièvre. "Les élèves font plus de fautes de grammaire ou de lexique parce qu'on passe moins de temps à faire de la grammaire explicite et encore moins à faire des répétitions".
En revanche, "si vous mettez entre parenthèses la question de l'orthographe, on a des élèves qui font des rédactions supérieures par rapport à des copies du certificat d'études de 1923", souligne-t-il.
"L'orthographe est un totem français ! Vous pouvez vous vanter d'être nul en maths, mais pas d'être nul en orthographe. C'est l'apitoiement généralisé !", relève avec amusement M. Lelièvre.
Et il relativise : "Il n'y a pas un effondrement du niveau en rapport avec l'effondrement des horaires consacrés. Ca pourrait être nettement pire".
Parmi les autres pistes, M. Prost note que l'on est passé des exercices (lecture, rédaction...) à des disciplines (français, maths...): "Chaque discipline a ses objectifs propres tandis qu'avec les exercices, l'objectif était transversal : on faisait aussi du français, de l'orthographe et de la lecture quand on recopiait l'exercice de calcul que le maître écrivait au tableau".
"La +disciplinarisation+ de l'enseignement primaire et l'élévation considérable du niveau de formation disciplinaire des maîtres du premier degré modifient les objectifs et si on va jusqu'au bout de cette évolution, eh bien il faut des agrégés pour apprendre à lire et la France devient analphabète en une génération", ironise-t-il.
Viviane Buhler, inspectrice de l'Education nationale honoraire, formule d'autres "hypothèses" : "la dégradation sociale et la transformation de la population", citant "le chômage, la perte de repères dans les milieux populaires, des familles issues de cultures très éloignées de celle de l'école...".
Elle accuse aussi la multiplication des réformes qui ont introduit de nouvelles matières (langue vivante, sécurité routière...), "les enseignants ne savent plus trop quelles sont leurs priorités". Et la formation continue "qui n'a pas eu suffisamment d'impact sur les pratiques pédagogiques".
Source AFP