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Auteur Sujet: Bon usage des médicaments : résumé des recommandations remises à M. Touraine  (Lu 3294 fois)

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Bon usage des médicaments : résumé des recommandations remises à M. Touraine
« le: mercredi 02 octobre 2013, 01:33 »
le: mercredi 02 octobre 2013, 01:33

Le "Rapport sur la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France", remis le 16 septembre à Marisol Touraine, a été  élaboré par les professeurs Bernard Bégaud, pharmacologue, et Dominique Costagliola épidémiologiste.

Ce rapport avait pour objectifs, définis par le ministère, d’élaborer "les modalités de mise en œuvre d’une méthode collaborative de suivi et d’analyse en continu des pratiques collectives de prescription" et de "proposer des actions innovantes concourant à l’information des professionnels de santé".

Les auteurs, après 19 auditions de personnalités et organismes d’avril à juin 2013 et le constat renouvelé de certains dysfonctionnements patents du système français du médicament, ont émis des recommandations sur la formation et l’information des professionnels et acteurs du système de santé.


Marisol Touraine, Dominique Costagliola et Bernard Bégaud (© Ministère de la santé)

       

Des "prescriptions inappropriées" trop fréquentes en France
Deux ans après la crise du MEDIATOR et les Assises du médicament qui ont suivi, ce rapport, téléchargeable en cliquant ici, pointe à nouveau certains dysfonctionnements de notre système de santé, en particulier des "prescriptions inappropriées". Et ce, même si les prescriptions hors AMM (Autorisation de mise sur le marché), estimées à 20 %, ne semblent pas plus fréquentes ailleurs.

En sus du "hors AMM" ou du "hors AMM justifié", deux autres facteurs majorent les dysfonctionnements, faisant dire aux auteurs que "la France est l’un des pays dans lequel les prescriptions et l’usage irrationnel sont les plus prévalents" :
- une surconsommation notable de nombreux médicaments : les auteurs rappellent qu’en 2007, la France était en tête de la consommation pour 6 des 9 classes étudiées par l’Assurance Maladie dans 5 pays européens (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni et France). Les 6 classes concernées étaient les antidiabétiques, les antibiotiques (malgré une nette baisse depuis 2001),  les hypocholestérolémiants dont les statines, les antidépresseurs, les antalgiques non narcotiques et les tranquillisants (avec en particulier un usage excessif et trop prolongé des benzodiazépines, dont 114 millions de boîtes se vendent chaque année) ;
- des reports de prescriptions insuffisamment préparés et suivis : des nouveautés, parfois mal tolérées, ont pu être prescrites massivement à la place d'anciennes molécules, alors qu'elles ne convenaient pas forcément à certains patients. Les auteurs citent par exemple le report des prescriptions anti-inflammatoires sur les coxibs. Autre facteur de report de prescriptions : les vagues de déremboursements successives de médicaments, remplacés par des spécialités "souvent plus coûteuses et parfois mal tolérées". Ces conséquences négatives sont "en général ignorées ou sous-estimées par les autorités sanitaires".

Un impact "considérable" entraînant une "perte de confiance"
L’impact sanitaire et économique "est, de toute évidence, considérable", estiment les auteurs, citant notamment le chiffre de 10 à 30 000 décès attribuables chaque année à un accident médicamenteux et les comptes profondément  déficitaires de l’Assurance maladie.

De plus, plusieurs crises sanitaires, internationales (grippe A/H1N1) mais aussi spécifiquement françaises (vaccin contre l’hépatite B, MEDIATOR, DIANE 35, etc.) ont entraîné "une gestion incessante de l’urgence [qui] nuit à la sérénité des décisions" et altèrent l’image de l’ensemble du système.

Afin de tenter de minorer ces surconsommations, mésusages, iatrogénies et altération de la confiance, les auteurs préconisent de renforcer la formation, l’information, et de mieux suivre les prescriptions.

Doubler le temps moyen de formation sur le médicament lors des études médicales
Selon une étude réalisée en 2006 auprès de 37 facultés de médecine françaises, un étudiant en médecine a en moyenne 67,6 heures de formation à la prescription et à la gestion de la réponse thérapeutique aux médicaments. De plus, il existe une grande disparité entre les facultés (de 24 à 141 heures ; 59 % assurent moins de 68 heures de formation pendant les 6 années d’études).

Une moyenne bien inférieure à celle en vigueur dans les facultés européennes. De plus, la France est l’un des 3 pays européens dans lequel la pharmacologie clinique n’est pas reconnue comme spécialité médicale, relèvent les Pr Bégaud et Costagliola.

Les auteurs préconisent de porter ce total à 120 heures minimum, comme recommandé par l’Association Européenne de Pharmacologie Médicale en 2003. L’enseignement devra être mieux réparti et complété par des mises en situations pratiques.

Moderniser et adapter la formation continue avec un site de e-learning
Moins d’1 médecin sur 4 remplit aujourd’hui ses obligations de formation. Le DPC (Développement professionnel continu), initié par la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoires) de 2009, peine à se déployer en raison de difficultés de financement et de méthodes, toujours selon le rapport.

Les auteurs préconisent de faciliter ce DPC en mettant à disposition des médecins une "plateforme nationale d’autoformation continue", utilisant des outils de e-learning (formation dispensée via internet, pouvant comporter des diapositives, vidéos, quiz, commentaires audio, interactivité avec un expert, etc.).

Créer un portail unique de référence sur les médicaments
A l’instar du NICE britannique (National Institute for Health and Care Excellence), les auteurs souhaitent la mise en place d’un répertoire des produits de santé complet et simple à utiliser, couplé à la plateforme d’auto-DPC évoquée ci-dessus. Ce portail devra permettre aussi la déclaration d’effets indésirables (aujourd’hui complexe, via le site de l’ANSM) et pouvoir s’interfacer avec les logiciels d’aide à la prescription des cabinets médicaux.

Les auteurs ne détaillent pas les modalités pratiques de la création d’un tel site, mais évoquent la possibilité de "partenariats public-privé pour intégrer, à l’instar de l’expérience anglaise, des solutions performantes existant déjà", ce qui accélèrerait sa mise en place.

"Restaurer la confiance du public"
La succession des crises sanitaires a altéré la confiance du grand public. Les auteurs préconisent un programme de formation (en collège et lycée) et d’information du public sur les effets des médicaments et leur apport en santé publique.

Pour cela, ils suggèrent des campagnes dans les medias, des brochures d’information disponibles dans les pharmacies et cabinets médicaux.

Anticiper les conséquences d’une décision administrative sur un produit de santé
Les auteurs recommandent d’accompagner d’une information aux prescripteurs toute décision de déremboursement ou arrêt de commercialisation.

Cette information ne devra pas se limiter aux raisons de cette décision, mais devra aussi prôner une attitude thérapeutique à privilégier et les éventuelles alternatives de remplacement.

Renforcer l’utilisation des données de santé (1/3) : état des lieux en France
Les auteurs préconisent de renforcer l’utilisation des données de santé pour mieux analyser anticiper, améliorer le système. Aujourd’hui, les données de prescription françaises peuvent être analysées en France via plusieurs cohortes de patients, dont voici les principales, élaborées par le service public :
- le SNIIRAM (Système national d’informations inter-régimes de l’Assurance Maladie), qui comporte les données exhaustives individualisées et anonymes (âge, sexe, notion de CMU-C) de tous les remboursements des dépenses de santé : soins ambulatoires, examens, prescriptions. Il n’y a par contre pas de données cliniques, de notions d’antécédents, mode de vie, etc. ;
- le PMSI (Programme de Médicalisation des systèmes d’information), fournissant des informations sur les patients hospitalisés ;
- l’EGB (échantillon généraliste de bénéficiaires), cohorte d’environ 600 000 patients extraite du SNIIRAM permettant à certains organismes publics (ANSM, IRDES, CNRS, etc.) de réaliser des études de suivi ;
- la cohorte Constances, constituée d’un échantillon représentatif qui comprendra, d’ici 5 ans, 200 000 adultes de 18 à 69 ans. Cette cohorte contient davantage de données (facteurs de risque, exposition, adresse géocodée, etc.) que celle du SNIIRAM ;
- la cohorte PAQUID, fournissant un suivi de 23 ans de 3777 sujets de plus de 65 ans ;
- le DP (Dossier Pharmaceutique), créé en 2007 et implanté dans 98 % des pharmacies d’officine : environ 30 millions ont été déjà été ouverts (tandis que le DMP, Dossier Médical Personnel, n’arrive toujours pas à s’imposer), d’autres services se surajoutent au fur et à mesure : DP-suivi sanitaire, DP-alertes et, bientôt, DP-Ruptures (cf. notre interview d’Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre national des pharmaciens).

Du côté du privé, des observatoires ont été constitués en utilisant les données fournies par les médecins libéraux informatisés (Longitudinal Patient Database, Disease Analyser). L’EPPM (Etude permanente de la prescription médicale, ex-DOREMA, par la société IMS-Health) analyse également les données transversales de prescription et de diagnostic d’un panel de 800 médecins libéraux. Un autre panel, cette fois-ci de 13800 pharmacies (LRX), permet d’analyser la délivrance des médicaments.

Renforcer l’utilisation des données de santé (2/3) : des cohortes plus massives et plus complètes à l’étranger
Ces cohortes publiques et privées, ainsi que d’autres mentionnées dans le rapport, sont moins importantes que d’autres, mises en œuvre en Europe. Les auteurs citent notamment l’exemple du Royaume-Uni, où la cohorte GPRD (General Practice Research Database), fondée par un médecin généraliste (Alan Dean), a suivi environ 3 millions de personnes depuis 1987. Le CPRD (Clinical practice research datalink), créé en mars 2012, lui a succédé et vise à recueillir des données multiples et croisées sur… les 64 millions d’habitants du territoire.

D’autres pays sont cités en exemple, comme le Danemark (multiples registres de suivi de toute la population), le Canada (cohorte de 3 à 4 millions d’habitants), ou encore les Etats-Unis, qui analysent actuellement les données de milliards de consultations, prescriptions et hospitalisations effectuées entre 2000 et 2011.

Renforcer l’utilisation des données de santé (3/3) : mieux connaître en temps réel les prescriptions, leurs modalités et motivations
D’une manière générale, les cohortes étrangères sont plus précises que les françaises. Les partenariats avec le monde de la recherche sont également plus développés.

Les auteurs préconisent donc de créer une structure d'interface qui permettra, sous l’égide de l’ANSM,  d’organiser et de faciliter l'accès aux différentes sources de données existant en France, afin d’adapter le système à son usage réel et contextualisé. Il faudrait également, toujours selon les auteurs, élargir l’EGB à plusieurs millions de personnes (3 à 6), en intégrant les facteurs de risque, diagnostics et motifs de prescription. 

En conclusion…
Ce rapport fait le constat d’un mésusage significatif des produits de santé en France, mésusage accentué par rapport à d’autres pays européens.

Leurs préconisations, résumées ci-dessus et plus détaillées dans le rapport complet, impliquent un changement de paradigme : les prescriptions seraient décortiquées, contextualisées et les professionnels de santé mieux formés afin d’améliorer l’usage quotidien des produits de santé.

Mais seront-elles retenues, par exemple dans le cadre de la Stratégie Nationale de Santé ? Ces recommandations seront analysées "conjointement avec celles du rapport remis par Jean-Yves GRALL, directeur général de la Santé (DGS), sur le système des vigilances, et de celui attendu prochainement sur l’accès aux données de santé", précise le communiqué du ministère de la santé.

Jean-Philippe Rivière

Sources et ressources complémentaires (par ordre de citation) :
- "Remise à Marisol Touraine du rapport sur la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France", ministère de la santé, communiqué de presse, 16 septembre 2013
- "Les Assises du médicament"¸ documents de travail et rapport, ministère de la santé, 30 mars 2011
- "Rapport sur la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France" (fichier PDF), professeurs Bernard Bégaud et Dominique Costagliola, septembre 2013
- "Consommation et dépenses de médicaments : Comparaison des pratiques françaises et européennes" (fichier PDF), point d’information mensuel de l’Assurance Maladie, 19 octobre 2007
- "L'enseignement de la pharmacologie fondamentale et clinique aux étudiants en médecine : résultats d'une enquête réalisée en 2006 dans les facultés de médecine françaises", Patrice Jaillon, Thérapie 2006 Septembre-Octobre; 61 (5):439-446
- "Teaching safe and effective prescribing in UK medical schools: a core curriculum for tomorrow's doctors", S. Maxwell & T. Walley, British Journal of Clinical Pharmacology 2003 ; 55 : 496-503
- "Le développement professionnel continu (DPC) : une démarche innovante au service des patients", ministère de la santé, 29 octobre 2010
- Site du NICE (National Institute for Health and Care Excellence)
- "Le SNIIRAM et les bases de données de l’Assurance Maladie en 2011" (fichier PDF), Dominique POLTON, Philippe Ricordeau, CNAMTS, 30 mars 2011
- "Programme de médicalisation des systèmes d'information  (PMSI)", Wikipedia
- Présentation de L'Echantillon généraliste de bénéficiaires (EGB) sur le site de l’Assurance Maladie, 2009
- Site de la cohorte Constances
- "Cohorte PAQUID : approche épidémiologique du vieillissement cérébral et fonctionnel", présentation sommaire sur la BDSP (banque de données en santé publique)
- Présentation du DP sur le site de l’Ordre National des Pharmaciens
- Site du CPRD (Clinical practice research datalink), UK
- "Remise du rapport « Réorganisation des vigilances sanitaires » à Marisol Touraine", communiqué du ministère de la santé, 11 septembre 2013. Ce rapport préconise, en résumé, " la simplification de la déclaration des événements sanitaires indésirables par la population et les professionnels par la création d’un portail commun de déclaration ; l’optimisation du dispositif en région autour des ARS et la modification de l’organisation des agences sanitaires autour de trois axes majeurs : "produits ", "prises en charge" et "pathologies"".
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