Le projet de loi de prolongation et de révision de l’état d’urgence, le projet de loi constitutionnelle de protection de la nation, le projet de loi de réforme de la procédure pénale, de même que la teneur du débat public actuel, laissent craindre une orientation des politiques sécuritaires de la France contraire au droit international en matière de droits humains.
Amnesty International a publié le 4 février
un rapport sur l'impact disproportionné de l'état d'urgence en France et sur la mise en œuvre effective de cet état d’urgence depuis novembre 2015, qui montre les graves abus commis au nom de la sécurité et les conséquences directes sur la vie des personnes qui en sont victimes.
Comme on pouvait s'y attendre, ce rapport est affligeant devant tant d'abus constatés.
En temps normal, seule l'autorité judiciaire peut autoriser les perquisitions et veille à leur bon déroulement. La justice est présente de bout en bout.
Avec l'état d'urgence, les Préfets peuvent décider seuls et autoriser des perquisitions, notamment de nuit, en arguant le fumeux motif "qu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics"...
Ce motif très vague de personne dangereuse étant peut-être passée par là, de même que la "menace de trouble à l'ordre public" sont pourtant extraient du
texte de loi n° 55-385 relative à l'état d'urgence et renforcée le 20 novembre 2015.
L'ETAT D'URGENCE PERMET :
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D'assigner à résidence des personnes sur simple décisions du ministre, donc sans le contrôle d'un juge.
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De perquisitionner de jour comme de nuit chez des personnes sans le contrôle préalable d'un juge.
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De dissoudre très rapidement des associations et d'interdire des manifestations et rassemblements.
Cette loi sur l'état d'urgence est tellement vague qu'elle permet à nos forces de l'ordre d'intervenir dans des affaires n'étant pas liées au terrorisme. L'état d'urgence est utilisé pour des délits et crimes de droit commun.
Les perquisitions ne sont que la face visible de l'iceberg administratif de l'état d'urgence.
Les assignations à résidence sont beaucoup moins voyantes mais représentent une arme redoutable dans les mains de l'administration.
A l'image de ces partisans écologistes s'étant vus assignés à résidence, on est en droit de se demander si des abus ne sont pas commis.
Autre exemple, celui de ce jeune de Toulon "condamné" à l'assignation à résidence et forcé de ce rendre 3 fois par jour au commissariat afin de pointer, y compris les dimanches et jours fériés, à 9h, 13h et 19h30...
L'état d'urgence est pourtant prévu par la loi internationale et il est très clair.LES CONDITIONS D'UN ÉTAT D’URGENCE
L’état d’urgence est un régime juridique prévu par le droit international (
Pacte international relatif aux droits civils et politiques et
Convention européenne des droits de l’homme). Il autorise un état à déroger à certains droits et libertés à 4 conditions :
- L’état d’urgence ne doit pas devenir permanent. Il est une réponse temporaire à une situation de crise.
- Il est pris en cas de menace exceptionnelle.
- Les mesures doivent être prises uniquement dans le but de répondre à cette menace.
- Il ne doit jamais porter atteinte aux droits indérogeables (droit à la vie, interdiction de la torture et de l’esclavage etc.)
LES GRAVES DISFONCTIONNEMENTS DE L'ÉTAT D’URGENCE EN FRANCE
Toute mesure prise lors de l’état d’urgence doit répondre aux critères de proportionnalité et de nécessité. Ces mesures doivent être strictement limitées à l’objectif recherché par la déclaration d’état d’urgence, à savoir, la lutte anti-terroriste.
Les premiers éléments d’enquête d’Amnesty International laissent entendre qu’un grand nombre de mesures ont été prises en France sans contrôle préalable suffisant, sur la base d’éléments non fondés ou discriminatoires.
Le glissement d’un état d’urgence provisoire à un état d’urgence permanent est très préoccupant. L’état d’urgence ne peut être une solution pérenne à la menace terroriste sans remettre en cause les libertés fondamentales. De plus, le droit commun permet déjà des mesures de prévention du terrorisme.
Le projet de loi tel que présenté par le gouvernement ne répond donc pas aux graves problèmes en termes de droits humains tels que ceux observés depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence : notamment disproportion, arbitraire, discriminations.
IL FAUT QUE CET ÉTAT D'URGENCE CESSE !
Mesures disproportionnées et discriminatoires pendant l’état d’urgence, prolongation d’un état d’exception, affaiblissement des mécanismes de contrôle judiciaire : les renoncements aux garanties que l’État se doit d’accorder à chacun se succèdent.
Parce que la protection des droits fait partie intégrante de notre sécurité et contribue à une société équilibrée, refusons de céder à la peur.
Ensemble, appelons nos parlementaires à prendre leurs responsabilités lors des débats actuels et à venir. (sur le site Amnesty)